Vous avez sans doute pu observer que la galerie présente deux pièces de Charlotte Perriand en provenance de la station de ski des Arcs. Le travail effectué par l’architecte et designer pour cette station de ski est un élément majeur de son œuvre, celui où ses préoccupations et ses recherches architecturales ont pu s’exprimer au mieux. J’avais donc envie de vous faire découvrir les réalisations de cet designer qui m’est chère.

  1. Genèse du projet

En 1961, Robert Blanc, guide de haute montagne, fait découvrir à Roger Godino, polytechnicien, les versants de la haute vallée de la Tarentaise. Séduit par la beauté du site, ce dernier se laissa convaincre d’implanter une station de ski. Il fait appel au groupe d’architectes de l’Atelier d’Architecture en Montagne. Mais les premières ébauches ne convainquent pas Roger Godino, alors les architectes en charge du projet proposent de solliciter Charlotte Perriand, dont l’expérience d’architecte de montagne était déjà reconnue.

1.1.   Eléments biographiques

Charlotte Perriand est née en 1903, dans une famille travaillant dans la confection. Son père est d’origine savoyarde, aussi dès sa plus tendre enfance Charlotte Perriand séjourne en montagne avec sa famille et y passent les mois d’été. De ces séjours, elle acquière sa passion pour le monde rural et son attrait pour l‘artisanat rustique.

En 1920, elle intègre l’Union centrale des Arts décoratifs, dont elle sort diplômée en 1925. Ses premières réalisations, présentées à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes en 1925, et l’année suivante au Salon des Artistes Décorateurs, sont encore empreintes du style contemporain. En revanche, son Bar sous le toit, présenté l’année suivante au Salon d’Automne est une véritable révélation. Elle lui permet d’entrer dans l’équipe cosmopolite de Le Corbusier. Charlotte Perriand devient très proche de l’architecte et de son cousin Pierre Jeanneret. Elle se voit rapidement confier la responsabilité de l’équipement intérieur des réalisations de Le Corbusier. Pendant dix ans, au contact de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret, elle poursuit ses recherches formelles notamment sur les sujets du logement minimum, de la modularité et de la préfabrication – recherches qui ont été mises à profit aux Arcs, plus de trente ans plus tard.

 

Au cours de cette période, elle s’investit aussi dans les CIAM – Congrès International d’Architecture Moderne – dont le manifeste : la Charte d’Athènes, est le texte fondateur de l’architecture et de l’urbanisme moderne. Au cours du Vème congrès consacré aux loisirs, Charlotte Perriand contribue à définir les zones de loisirs en haute montagne, profession de foi préfigurant ce que devraient être les grandes stations de sport d’hiver.

En 1929, elle est l’un des membres fondateur de l’Union des Artistes Modernes. Dès cette époque son engagement politique et citoyen est très présent dans ses réalisations en solo. C’est le cas au Salon des Arts Ménagers en 1936 avec son exposition sur La Grande misère de Paris ou encore dans le cadre de sa collaboration avec le ministère de l’agriculture lors de l’Exposition Universelle de la même année. Elle quitte l’atelier de Le Corbusier en 1937.

Au sein de l’atelier, Charlotte Perriand a côtoyé deux jeunes architectes nippons Kunio Maekawa et Junzo Sakakura, et grâce à eux elle se voit proposer un poste de « conseillère de l’art industriel du Bureau du Commerce, auprès du Ministère Impérial du Commerce et de l’Industrie ». Elle quitte l’Europe en guerre pour l’Extrême-Orient en 1940, avec pour mission d’orienter l’industrie japonaise afin de favoriser ses exportations vers l’Occident. Son interprète et assistant durant son séjour n’est autre que Sori Yanagi, qui deviendra après-guerre, l’un des plus importants designers japonais – Charlotte Perriand choisira son tabouret Elephant pour équiper la station. Pendant presque deux ans, elle va s’imprégner de la philosophie et de l’art de vivre japonais et découvrir les qualités de l’artisanat local. Ce qui lui permettra d’organiser une exposition intitulée Sélection, Tradition, Création dans les grands magasins Takashimaya de Tokyo et d’Osaka. L’entrée en guerre du Japon en 1941 la contraint à quitter le pays. Les aléas du conflit ne lui permettent pas de revenir en Europe avant 1946.

A son retour, Charlotte Perriand participe à l’aménagement des cités universitaires internationales de Paris. Sa collaboration avec les Ateliers Jean-Prouvé se renforce pour l’élaboration du mobilier métallique. L’ébéniste André Chétaille coupe et façonne les parties en bois. Steph Simon, alors éditeur du mobilier de Charlotte Perriand et Jean Prouvé, créé pour les collectivités, propose d’ouvrir en 1956, une galerie de mobilier et d’éditer les deux designers afin de rendre leurs créations accessibles au plus grand nombre. C’est dans le catalogue de la galerie que Charlotte Perriand puisera les objets et meubles qui équipent les premiers bâtiments de la station Arc 1600.

Au cours des décennies qui suivent, elle se consacre à de nombreux projets en lien avec les loisirs : en montagne, à Méribel et aux Arcs, auprès d’Air France, dont elle aménage les agences à Tokyo, Londres, Paris… Elle profite aussi du séjour de son mari à Brasilia, où il dirige l’agence Air France, pour faire la connaissance des grands architectes brésiliens : Oscar Niemeyer, Jorge Amado, Burle Marx…

Après son retrait du programme des Arcs, elle se consacre à la préparation des rétrospectives qui lui sont consacrées à Paris et Londres. Elle conçoit également une Maison du Thé, dans le cadre de la manifestation japonaise Dialogue des cultures coordonnée par Hiroshi Teshigahara à l’UNESCO.

Charlotte Perriand décède le 27 octobre 1999 à Paris.

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